vendredi 21 décembre 2007

Boas festas

Dis donc, j'ai oublié plein de trucs à dire avant de m'en aller chez les ratels :

- d'abord, Ptiluc (pour qui j'avais fait l'acquisition d'un superbe matelas au marché des Congolais, mais qui ne l'aura utilisé que deux nuits - qu'est-ce que je vais en foutre de ce matelas, j'ai pas l'impression que d'autres copains aient l'intention de se pointer en Angola, quels trouillards), donc, d'abord, Ptiluc a un un blog où il raconte sa virée en Afrique - mais où on ne peut pas laisser de commentaires visibles, ce qui fait qu'on ne peut pas le lui pourrir, son blog, avec des commentaires débiles comme le font ici une petite poignée de personnes dont j'ai les adresses ip, je préfère vous prévenir.

- ensuite, dans une note précédente, je me laissais aller à un peu d'acrimonie à l'encontre du prix Tournesol (le prix des écolos) pour lequel Biotope n'était pas sélectionné. En fait, il se peut que je me sois trompé et que j'aie mal lu leur site (qui n'est pas très clair, faut dire) et que donc Biotope soit nominé, ce qui fait que je retire les insultes proférés dans ce petit mouvement d'humeur tout à fait pardonnable. Sauf si je ne me suis pas trompé, bien sûr.

- ensuite, encore, "Île Bourbon, 1730" va être publié en américain (j'ai reçu les contrats), et se retrouve dans la sélection officielle d'Angoulême. Ca compensera les déboires de Valérie Bègue (qui a posé nue en train de lécher du yahourt répandu sur un caillou, si vous n'êtes pas au courant de ce scandale, et on veut lui retirer sa couronne, c'est inique), et ça me permet de faire un saut dans la riante ville des Charentes fin janvier.

- enfin, j'ai appris à dire "bonnes fêtes" et "joyeux Noël" en portugais, et j'allais partir chez les ratels sans faire étalage de mon étonnant polyglotisme, ce qui aurait été fâcheux. Donc, boas festas et feliz natal zot tout' !

Kwazulu, rat et ratel

Rat : Ptiluc est en Angola. Il est venu réparer sa moto avant de filer plein sud vers la Namibie. Mais la moto ne veut pas se laisser réparer. Alors peut-être que quand je reviendrai de vacances, il sera encore là, les mains dans le camboui.


KwaZulu-Natal : Demain, dès l'aube (blablabla), je quitte Luanda pour le KwaZulu-Natal. Quelques jours à Durban, puis direction le Nord voir les animaux.


Quand j'étais petit, j'étais déjà allé au pays des Zoulous. Il faut que je montre ça à mes fils.


Ratel : J'espère bien y voir des ratels qui est un peu devenu mon animal-totem. (mais en fait, je me demande si cette bestiole ne vit pas plutôt dans le désert ou un truc comme ça).

jeudi 13 décembre 2007

Journal d'Aran


Un joli petit ouvrage de Bouvier sur quelques voyages, notamment aux îles Aran (au large de Galway, en Irlande, si vous savez pas).

C'est étrange de lire du Bouvier récent (1984, je crois) : on a du mal à croire à la proximité de ce voyage. 1984, j'avais 15 ans, merde, j'aurais presque pu accompagner Nicolas (si mes parents m'en avaient donné la permission, bien sûr).
Donc ce séjour immobile aux îles Aran est tout plein du mystère irlandais tel qu'on le fantasme - et tel qu'on a pu le vivre, d'ailleurs.

Je me souviens qu' au début de la décennie suivante, j'ai traversé l'Irlande en stop, de Dublin à Galway, en compagnie de Gael et Renaud. Tandis que Gael - qui s'était habilement trouvé une copine - faisait le trajet en une voiture et quelques heures, Renaud et moi n'en finissions pas de faire des sauts de puce à travers la campagne irlandaise. Notre dégaine grunge (ben oui, c'était l'époque) semblait ne nous attirer que des pauvres bagnoles poussives - un combi VW conduit par une sorte de repris de justice mutique, une voiture hors d'âge dans laquelle le chauffeur écoutait Niagara à fond les ballons, une voiture de location conduite par deux suisses en vacances etc. - qui n'allaient jamais très loin. A la fin de la première journée de stop, nous n'étions nulle part, au milieu de l'Irlande, sans un sou vaillant en poche, et il commençait à pleuvoir. Galway semblait très loin, et nous enragions à imaginer Gael à Galway, s'abreuvant abondamment de guiness pression pendant que la lose nous frappait dans ce désert humide et vert. Ca craignait sec, si j'ose dire. Et puis, miracle irlandais, le patron d'un bed and breakfat cossu nous prit en charge, par pure bonté d'âme, nous hébergea gratuitement pour la nuit et nous offrit un des plus gargantuesques irish breakfasts qui m'ait été donné de dévorer.

Je ne sais pas pourquoi je raconte ça, c'est si chiant les souvenirs de voyage... Mais là, il y avait Renaud, c'était l'Irlande, et on pensait que nous deviendrions non seulement des stars de la bd, mais aussi du cinéma, de la littérature et du rock. Bref, pour ce qui me concerne, aussi con qu'aujourd'hui, mais plus jeune. Et pour Renaud...
Trêve de nostalgie de Prisunic : le journal d'Aran de Bouvier possède ce charme tenace des petits livres qu'on lit vite mais qui restent collés à nos basques pour longtemps.
D'ailleurs, Rolin, lui aussi, est parti aux îles Aran, sur les traces encore très fraiches de Bouvier : il raconte cette sorte de pélerinage ici. Et comme Rolin est un chouette type, ce qui le motive avant tout, c'est de retrouver la coiffeuse sexy dont parle Bouvier dans son journal.

Je suis bien certain que si Gael, Renaud et moi avions lu ce livre, nous aurions sans hésiter tenté nous aussi la traversée.


lundi 10 décembre 2007

Cyclone BD 2007

Le festival Cyclone BD 2007 s'est achevé hier. Je n'en ai eu que quelques échos lointains et apparemment, tout s'est bien passé.

Le prix du Margouillat, qui récompense le meilleur album sorti en 2007, a été attribué à Aya de Yopougon, de Clément Oubrerie et Marguerite Abouet, édité par Gallimard dans la collection "Bayou" (la collec' à Joann Sfar).


Cette année, pour cause d'Angola, je n'ai pas participé au vote du jury (qui est composé des membres de feu-le-Margouillat). J'avais proposé comme candidat "Cow-boy moustaches" de Morgan Navarro (chez le même éditeur), mais je suppose que mes petits camarades ne l'avaient pas lu (à l'exception de Serge).
En tout état de cause, le choix de Aya me convient parfaitement : c'est une bd simple, fraîche, drôle qui parle très bien de l'Afrique, en évitant tous les poncifs habituels.

Le Grand Prix de la Ville de Saint-Denis qui récompense un auteur "pour l'ensemble de son oeuvre" a lui aussi été attribué. L'heureux lauréat devient donc le prochain président de Cyclone BD. Je ne donne pas son nom, ce n'est pas la peine : c'est un garçon plutôt sympathique, mais dont le travail ne me plait pas du tout. J'ai ma petite idée sur le pourquoi du comment de ce choix, et je regrette simplement que le jury ait choisi un vision de la bd* qui est celle que j'apprécie le moins - pour le dire de façon euphémistique.

Ca me fait un peu rager, mais c'est comme ça. Heureusement, tu es là, Valérie Bègue, pour nous remonter le moral dans ces périodes difficiles.

* si tant est qu'il y ait eu une quelconque vision de la bd dans cette histoire.

dimanche 9 décembre 2007

Enfin !

On peut dire que ça a pris du temps, mais ça y est, enfin, toutes ces années d'effort ont été payantes. Je suis passé par des moments de doute, par des moments d'euphorie aussi, mais j'ai bien fait d'y croire jusqu'au bout.
Attention, je ne voudrais pas que l'on croie que ce n'est que moi que l'on récompense aujourd'hui : il y a derrière toute une équipe, une bande de copains, qui m'ont aidé, qui m'ont soutenu. Que serait cette victoire, cette reconnaissance nationale sans les petits gars du Margouillat, sans mes dalons de la Réunion et d'ailleurs ?
En tout cas, voilà, on y est, c'est l'ensemble de mon oeuvre qui est récompensée, et ça m'émeut beaucoup, pas seulement pour ma petite personne, mais pour la Réunion toute entière.

La nouvelle est tombée ce matin : Valérie Bègue a été élue Miss France.

Je voudrais remercier ma famille et mes amis, mais aussi mes éditeurs, sans qui cette victoire n'aurait pas été possible.

samedi 8 décembre 2007

MIE


J'ai raté ça, aujourd'hui :
À l'occasion du festival "Laterna Magica" de Marseille Exposition photo du 7 au 23 décembre Galerie des Beaux-arts, Rue Montgrand du mardi au dimanche de 14h30 à 19h vernissage jeudi 6 décembre à 18h

Rétrospective des films de Bertrand Mandico le soir du vernissage à 20h dans la salle de projection de la galerie des Beaux-arts Projection du Cavalier bleu le vendredi 7 à 22h30 au Cinéma Variétés.

Publication d’un ouvrage de Bertrand Mandico : Mie (10x15cm, 40 pages, 8€), un film figé édité par Fotokino à l’occasion de son exposition, disponible dans les librairies de Laterna magica.

L’enfant descend du songe
Le film présenté à la Galerie des Beaux-arts, édité en DVD par Fotokino.

Rencontre entre le photographe Laurent Millet et Bertrand Mandico, le samedi 8 à 16h30 à l’Atelier de visu.
Le site de Laterna Magica : http://fotokino.org/spip.php?article192
La page consacrée à Bertrand sur ce même site : http://fotokino.org/spip.php?article203

Et puis quelques dessins de Bertrand, un lapin noir (je ne les mets pas tous, pourtant, ça constitue une sorte de bande dessinée) :

Lire Leiris


J'ai fini la première partie de "L'Afrique fantôme" de Leiris.
Je n'avais jamais lu Leiris directement, et je n'ai acheté ce journal de bord de l'expédition Sénégal-Soudan que pour compléter ce qui me semblait constituer une trilogie africaine des années 20-30, avec "Terre d'ébène" d'Albert Londres et "Voyage au Congo" d'André Gide.

Le livre traînait depuis plusieurs mois dans la pile des bouquins-qu'il-faut-que-je-lise, sans provoquer chez moi plus d'excitation que ça. Il faut dire que je trainasse toujours sur les journaux de bord, je les trouve toujours longs et un peu répétitifs. Et puis, le Londres m'avait un peu déçu (j'en attendais sans doute trop, une sorte de brûlot anti-colonial), Gide m'avait bien plus intéressé (quoique je crois n'être pas arrivé à son terme) et m'avait semblé bien plus fin et plus contestataire que le Londres. Bon, et le Leiris ?
Eh bien, le Leiris, les gars, il m'a relativement époustouflé. Le Leiris est meilleur que le Gide qui est meilleur que le Londres qui est meilleur que "Tintin au Congo".
Le Leiris est d'une modernité absolue.


Je rappelle en quelques mots de quoi il s'agit : Michel Leiris a été viré des surréalistes par Breton, et il accepte, à l'invitation de son ami Marcel Griaule, de participer à une vaste campagne d'ethnologie à travers l'Afrique, qui vise à rapporter le maximum d'objets et de documents (écrits, filmiques, documentaires etc) sur les peuples rencopntrés. Une sorte d'état des lieux ethnographique de l'Afrique de Dakar à Djibouti.
Au début, le journal de Leiris raconte les petits événements de la mission, puis peu à peu, se déclare un point de vue lumineux : celui d'un auteur qui découvre un monde insoupçonné.
Bien sûr, toutes les remarques ethnologiques sont passionantes (notamment lors du long et fameux séjour chez les Dogons), mais ce qui frappe encore plus, c'est l'acuité du regard anti-colonial de Leiris. On pourrait multiplier les citations d'un homme qui se rend compte de la grande supercherie de l'entreprise coloniale. Et on sent bien qu'il est (encore) seul à ce moment-là : le regard sur les Africains est parfois ambigu, encore imprégné de l'idéologie européenne, on sent l'intime contradiction avec ce qu'il voit et ce qu'il ressent, et d'ailleurs à chaque fois Leiris finit par choisir son camp (le bon, donc).
Mais "L'Afrique fantôme" est aussi une manière d'autobiographie et le journal de bord de l'ethnologue a tôt fait de virer au compte-rendu d'un état d'âme, non pas celui d'une midinette ou d'un touriste en vacances au Mali, mais celui d'un jeune homme (Leiris n'a que 31 ans) d'une maturité étonnante, propulsé dans un ailleurs qui est, à l'époque, d'une radicale altérité. Il faut ajouter que le tout n'est jamais dénué d'humour, et que parfois, les notes sèches du diariste se transforment en petits bijoux stylistiques.

Point trop n'en faut quand même, j'ai abandonné Leiris au bout de 300 pages et à l'orée de sa deuxième partie : il venait de quitter le Congo belge et entrait dans le Soudan anglo-égyptien. L'Abyssinnie se profile, mais j'avais besoin de quitter l'écriture du journal pour un truc simple et divertissant.
J'ai jeté mon dévolu sur un petit roman noir que m'a filé une amie : "Cul-de-sac" de Douglas Kennedy.



Le héros-narrateur décide de quitter sa vie merdique de la côte Est des Etats-Unis pour une virée dans l'outback australien. Il rencontre une sorte de bombe sexuelle de chez Plouc-city qu'il décide de prendre en stop. Evidemment, la ballade vire au cauchemar et le héros-narrateur se fait bien baiser la gueule.
Voilà, pas grand chose à en dire de plus : on est dans l'archi-genre, avec des retournements de situation attendus, une ambiance poisseuse attendue, une manière de raconter attendue.
C'est bien foutu, on ne s'ennuie pas, quelques petites heures de lecture suffisent à en venir à bout, mais c'est juste... heu... comment dire... attendu ?

jeudi 6 décembre 2007

Museu da escravatura


Au sud de Luanda, à Morro da Cruz, sur la route de Barra de Kuanza, se trouve le musée national de l'esclavage.
Il s'agit d'une petite bâtisse datant de la fin du XVIIIeme siècle, construite sur un promontoire surplombant le bras de mer séparant la côte de l'île de Mussulo.

Aujourd'hui, ciel gris et bas, fine pluie. Tous les éléments dramatiques nécessaires assurant la visite de ce petit lieu de mémoire où l'on peut voir quelques gravures d'époque et surtout des objets de l'esclavage : fusils de traite, boulets, fers, entraves diverses.

Et puis ce joli bâtiment, à l'époque propriété d'un noble portugais, Alvaro de Carvalho Matoso, amiral des vaisseaux lusitaniens pour les Indiens et grand traficant d'esclaves en partance pour le Brésil. Un petit baptistère est adjoint à l'édifice, comme pour rappeler l'hypocrisie de l'Eglise catholique vis à vis de la traite négrière.

On pense qu'une dizaine de millions d'esclaves furent envoyés des côtes angolaises en direction du Nouveau Monde et des îles, essentiellement vers le Brésil et Sao Tomé.

dimanche 2 décembre 2007

Yves Chaland


Il y a 17 ans 5 mois et 14 jours, Yves Chaland mourait dans un terrible accident de voiture.
J'appris la nouvelle quelques jours après, dans la page "BD" de mon quotidien régional, pour qui, d'ailleurs l'info principale n'était pas la mort de Chaland (expédiée en une brève de quelques lignes) mais celle de Georges Dargaud.

Chaland avait été une figure emblématique de ma passion pour la bande dessinée : au tout début du Margouillat, l'équipe était clairement divisée en deux groupes. D'un côté, autour de Goho, Anpa et de Li-An, ily avait les pro-Serge Clerc, de l'autre, il y avait Mad, Serge Huo-Chao-Si et moi, ardents défenseurs de Chaland. De longues discussions ineptes éclataient régulièrement, pour savoir qui de ces figures de proue de la ligne claire était le meilleur.

Mad et moi connaissions par coeur les dialogues du Jeune Albert, nous nous enthousiasmions pour Freddy Lombard, nous vénérions Bob Fish.
Aussi, en arrivant à Paris pour nos études, notre premier grand moment de fans fut d'aller rendre visite à Yves Chaland (sous le fallacieux prétexte de lui offrir des "Cri du Margouillat"). Il habitait alors à Strasbourg-Saint-Denis (ne me demandez pas comment nous avions eu son adresse). C'était l'hiver, il pleuvait, nous sommes montés jusqu'à son étage. Il nous a ouvert, un peu étonné. Nous sommes entrés dans le hall de l'appartement. Nous avons bredouillé quelques mots d'admirateurs transis. Il nous a regardé bizarrement, il a dit : "Je suis en plein déménagement, je ne vous rasseois pas.", nous a accompagné sur le perron, et a fermé la porte derrière nous.
Notre rencontre avec le Maître avait duré 3 minutes, tout au plus, et on s'était salement fait jeter.

Croyez-moi ou pas, ça n'a pas entamé d'un iota notre adoration pour son oeuvre. D'autant que quelques mois plus tard, Michel Faure l'ayant rencontré, nous dit qu'il avait été ravi de notre passage éclair, et qu'il nous remerciait pour les fanzines.


Oui, ok, j'aurais pu essayer de dire pourquoi Chaland est un immense auteur de bd, expliquer son influence déterminante sur la Bande Dessinée, montrer que "La Comête de Carthage" est un petit chef d'oeuvre, mais ça demandait un vrai travail, et puis il y a sans doute plein de gens compétents pour le faire.
Je préfère l'anecdote un peu merdique de ma rencontre avec lui.

samedi 1 décembre 2007

O melhor escritor de Angola


Rencontre ce vendredi, au lycée français, avec Pepetela - écrivain dont j'ai déjà parlé sur ce blogue.
Pepetela est un homme simple, drôle, brillant et parfaitement sympathique. Pendant deux heures, il raconte son itinéraire et son métier d'écrivain, n'est pas avare d'anecdotes et manie avec une aisance stupéfiante la langue française (non sans avoir prétendu le contraire auparavant. Evidemment).

Je ne vais pas résumer en quelques lignes la vie incroyablement riche de ce romancier injustement peu traduit en français, mais quand même : il est né à Benguela en 1941, dans le sud du pays, d'un père portugais et d'une mère angolaise. Son "vrai" nom est Pestana dos Santos. Son enfance angolaise, il la passe dans les branches d'un grand eucalyptus avec un copain qui lui raconte des histoires, et à qui, en échange, il lit ses rédactions. Il part ensuite au Portugal poursuivre ses études, quand la guerre d'indépendance éclate. Il devrait être enrôlé dans l'armée portugaise pour combattre les insurgés angolais, ce que, évidemment, il refuse absolument. Il s'enfuit en exil, d'abord à Paris, où il fait plusieurs petits boulots (tourneur fraiseur, balayeur à Paris Match* etc), puis en Algérie, où il retrouve un certain nombre d'acteurs des indépendances africaines. Il écrit son premier roman, et fait la connaissance de Georges Arnaud** qui l'aide à le traduire en français (en vain, puisque ce roman reste inédit chez nous). Il rejoint enfin la guerilla angolaise, en l'occurence le MPLA. Dans le maquis, les copains se réunissent pour lui choisir un nom de guerre. Comme Pestana signifie "cil" en portugais et qu'en outre ils le trouvent très poilu, ils lui proposent de s'appeler Pepetela, ce qui signifie "poils" ou "cils" en langue ovimbundu.


Pepetela devient donc guerrilheiro pendant toute la guerre de libération. Il fait le coup de feu contre l'armée coloniale portugaise puis contre les troupes sud-africaines qui envahissent le sud du pays.
A l'indépendance, sous le premier gouvernement de Agostinho Neto, il est nommé vice-ministre de l'éducation.
Il se consacre ensuite à la littérature, connait avec ses romans un succès étonnant en Angola, mais aussi dans les pays lusophones et en Europe (seule la France tarde à le traduire, et encore très peu). Il enseigne l'architecture urbaine dans une fac, pour "rester en contact avec la jeunesse du pays", mais commence à s'en lasser ("les jeunes sont plus ignorants qu'il y a 10 ans").

Sa littérature est à la fois très marquée par son engagement politique et par l'attachement à l'Angola (il s'agissait pour lui, comme pour les autres auteurs angolais de cette génération, de constituer une littérature nationale), mais aussi d'une grande modernité, avec un style sobre, souvent très drôle, et toujours attaché à éviter les clichés.

Pepetela avoue aimer lire (évidemment), jouer aux jeux vidéos (mais peu de temps, il s'en lasse vite) et aller à la plage (mais de moins en moins à cause des embouteillages). Derrière ces demi-boutades destinées au public scolaire, on sent un auteur à la fois passionné et inquiet des tournures que prend un pays qu'il a tant aimé et tant défendu.

* A propos de son séjour parisien, Pepetela n'est pas avare d'anecdotes : il travaille à l'imprimerie qui édite Paris Match. Il ne manque pas de se présenter comme "travaillant à Match" auprès des français, avant de rajouter "comme balayeur". Ensuite, il monte en grade, et devient le préposé au chariot qui récupère les chutes de papier dans l'atelier, où ne travailent quasi exclusivement que des femmes. "Ce sont les plus beaux mois de ma vie et le meilleur travail que j'ai jamais eu : je passais avec mon chariot, et je m'arrétais à chaque poste : "Bonjour Joséphine, ça va ? Tu fais quoi ce week end ?" et ainsi de suite avec les dizaines de jeunes femmes qui travaillaient là."

** Georges Arnaud est l'auteur du roman "Le Salaire de la peur", qui a été adapté par Clouzot. Sa vie aussi est un roman étonnant. Voyez ce qu'en dit Wikipedia. Pepetela semblait très amusé par ce garçon, accusé d'un horrible triple meurtre, ancien bagnard, ancien soldat, compagnon de lutte du FLN, noceur et flambeur, exilé en Algérie. A propos du fameux crime, Pepetela dit que Arnaud a toujours nié. Ensemble, ils s'attachent à traduire en français le premier roman de Pepetela (Arnaud, ayant vécu en Amérique du Sud, se sent l'âme d'un traducteur). Mais l'interdiction de territoire français qui frappe l'auteur du "Salaire de la peur" l'empêche de présenter le manuscrit aux éditeurs. La version française est donc restée jusqu'à aujourd'hui dans les cartons de Pepetela - "mais j'ai perdu la dernière page, c'est dommage".