mercredi 17 décembre 2008

Tchi-tchaaa !

Le cinéma, c'est un peu ma partie, pour différentes raisons que je n'exposerai pas ce soir. Je vous recopie deux extraits d'entretiens que j'ai volés au Monde. Le premier concerne mon idole Werner Herzog, le deuxième (obligeamment envoyé par Hobopok) Harmony Korine.

D'abord, Werner Herzog :

On vous compte ordinairement, aux côtés de Werner Schroeter ou de Rainer Werner Fassbinder, parmi les réalisateurs qui ont constitué le nouveau cinéma allemand dans les années 1960 et 1970. En êtes-vous d'accord ?

C'est une coïncidence technique et factuelle. En réalité, je n'ai participé à aucun de leurs projets collectifs, je n'ai jamais partagé leurs idées, que je trouvais médiocres, et je n'étais pas ami avec eux. Pour moi, qui ai vécu une enfance pauvre et ai travaillé à l'usine, c'étaient de petits bourgeois qui jouaient avec l'idée de la révolution mondiale et dont l'analyse politique me paraissait absurde. A l'époque, on m'a fait passer pour un fasciste à cause de cela. J'ai donc toujours été solitaire et isolé dans mon travail. Je ne suis personnellement ami qu'avec Volker Schlöndorff, mais nous évitons de parler cinéma.

On vous prête un nouveau projet, pour la première fois hollywoodien : un remake du Bad Lieutenant d'Abel Ferrara, avec Nicolas Cage et Eva Mendes...

Hollywood a connu tellement de déboires avec la surenchère technique et le star-system qu'on en arrive aujourd'hui à me proposer un scénario. Mais il ne s'agit pas d'un remake, c'est une erreur de la presse. Mon producteur, Edward Pressman, a bien produit un film intitulé Bad Lieutenant de ce monsieur Ferrari, ou Ferrara je ne sais pas bien, qui l'aurait assez mal pris. Mais je ne le connais pas et je n'ai jamais vu son film.

Le deuxième, c'est Korine donc :
Où étiez-vous passé ?

J'ai traîné avec des putes, des macs, des criminels... J'avais perdu l'envie de participer. Deux de mes maisons avaient brûlé. Je n'avais plus rien. L'ordinateur dans lequel j'avais un scénario terminé a brûlé aussi. Ça m'a complètement secoué. J'ai traîné dans la jungle, avec des Indiens qu'on appelle les bare asses (culs nus). J'ai surpris l'un d'eux en train de se masturber. Les autres l'avaient ostracisé parce que c'était un masturbateur chronique. On est devenus amis. Il m'a indiqué un bar où les gens se bourraient la gueule avec des tamanoirs. Là, un type m'a parlé d'une secte de pêcheurs à la recherche d'une minuscule carpe dorée. S'ils attrapaient ce poisson et qu'ils touchaient les trois points sur le côté des nageoires, cela devait produire le son d'un piano pour enfants. Puis, une rumeur a circulé : le leader aurait été motivé par une prime proposée par un businessman japonais. Nous nous sommes brouillés.
Sa femme était schizophrène. Elle se baladait avec une laisse en promenant un chien invisible. Elle m'a donné la laisse, pour me dire de partir. De retour aux Etats-Unis, j'ai vécu dans une cave. J'ai accroché la laisse au mur.
Une nuit, en provenance de la laisse, j'ai entendu un aboiement. J'ai commencé à rêver de nonnes qui sautaient en parachute. J'ai senti qu'il était temps de redevenir créatif.

Mister Lonely est un film sur les sosies ?

J'ai grandi dans une communauté. J'avais un ami allemand qui avait marché sur une mine. Pendant sa convalescence, il a décidé de vivre une vie de Michael Jackson. Avec une jambe en moins, il ne pouvait faire qu'un seul mouvement, et il le répétait toute la journée, à un coin de rue.
Un jour, soûls et sous acide, nous avons imaginé la vie dans une communauté de sosies.

lundi 15 décembre 2008

Baveux de cinoche

Karim Achoui, l'ex-avocat des truands (dont Antonio Ferrara qui vient de prendre 15 ans pour son évasion particulièrement musclée) vient d'écoper 7 ans de taule, pour complicité d'évasion.


La première fois que j'ai vu Karim Achoui à la télévision, c'est après qu'il avait pris deux balles dans le ventre. Il recevait les journalistes dans sa chambre d'hôpital et criait au complot policier. Puis, je l'ai vu dans l'émission de Ruquier où il mouchait avec jubilation les deux crétins (un petit maigre agressif, de droite, et un gros niais, de gauche), critiques auto-proclamés, qui font les mariolles dans cette émission navrante.

Karim Achoui est une sorte d'avocat comme dans les films noirs des années 50, un peu vulgaire, un peu classe, qui n'aime rien tant que jouer sur son côté flamboyant : cheveux gominés, fringues de marque, pompes italiennes, train de vie tape-à-l'oeil, bagout extraodinaire, copain de toute la pègre d'aujourd'hui. Je crois que Karim Achoui a commencé à l'ombre de Vergès, et ça ne m'étonne pas (mais il n'a pas gardé de lui le côté politique).

Bref, le voilà envoyé en taule pour comportement douteux. Comme il était prévenu et qu'il ne devait pas communiquer avec l'extérieur, on l'a isolé dans une dépendance du palais de justice, le temps du procès (c'est Libé qui raconte) :

«Un duplex avec salon en bas et quatre chambres en haut vers la conciergerie, et une cour privative pour marcher ou fumer», nous a indiqué par téléphone Me Achoui qui a regardé des DVD pour passer le temps, 36 quai des Orfèvres, Truands, Il était une fois l’Amérique, American gangsters : «On a fait des bons gueuletons avec les gendarmes et les autres accusés. Champagne à volonté.» C’est Karim Achoui qui a régalé tout le monde en «foie gras et caviar commandés à la Maison de la truffe, place de la Madeleine», en huîtres, couscous et sushis. Sauf pour le dernier dîner avant le verdict : «On est à la diète ce soir, on n’est pas en forme.»

Le verdict, c'est 7 années de prison, donc. Sa cellule ne sera sans doute pas aussi luxueuse (quoiqu'il est bien capable de s'organiser). A moins qu'il ne fasse appel - ce dont je ne doute pas - et qu'il obtienne un acquittement : après tout, il n'a eu de cesse de clamer son innocence.

dimanche 14 décembre 2008

Into the Wild

Un jeune diplômé d'université décide de foutre le camp de chez lui et de tracer la route à travers les USA jusqu'en Alaska. A la fin, il meurt.


J'aurais adoré adorer ce film. Tout y était pourtant : des grands espaces magnifiquement filmés, une pointe de Kerouac, un zeste d'Easy Rider, de l'espace, encore de l'espace (le cinéma, qui rend pourtant si bien l'espace, a trop souvent l'air de frissonner à l'idée de s'y coller), un récit rugueux...

Malheureusement, Sean Penn ne peut pas s'empêcher de fourguer la camelote américaine qui va avec ce genre de sujet, c'est à dire un prêchi-prêcha assez pénible sur la Nature, la civilisation, la perte des vraies valeurs et un mysticisme de bazar qu'on redoute tout au long du film jusqu'à ce que, sans doute pour ne pas nous décevoir, il pointe son groin.

Et puis surtout, on n'y croit pas un seul instant : les personnages n'ont aucune épaisseur, ils sont tous exaspérement fondamentalement bons, et le héros, d'une platitude assommante et sans aucune aspérité, est insupportable, en christ moderne donneur continuel de leçon.

Merde, je suis un peu dégouté...

samedi 13 décembre 2008

Noël sous les flamboyants

Dans une semaine : letchis, rougail saucisses, carry poulet, samoussas, bouchons ek siave, piment la pâte, carry langoustes, ananas victoria... La case, oté !

mercredi 10 décembre 2008

Mémo-Vin


Vendredi 19 décembre, à partir de 19 heures, Frankyravi et Lasco (je sais pas qui c'est celui-là) présentent Mémovin, la suite de Mémörhead (qui était consacré à devinez qui), au Monte-en-l'air, librairie parisienne connue dont j'ai la flemme de recopier l'adresse.
Plein de dessinateurs dont le célébrissime La Crainte y ont participé, sur le mode "Memory", cette espèce de jeu de mémoire, où tu dois retourner des couples de cartes identiques, tu vois ?

dimanche 7 décembre 2008

Lauzier

Gerard Lauzier est mort. Il a traversé les années 70 et 80 avec un humour féroce qui m'a toujours enchanté. Ses bd ont souvent été adaptées au cinéma et lui même s'est lancé dans une carrière de réalisateur (avec plus ou moins de bonheur, mais souvent du succès commercial).

L'univers des bd de Lauzier est celui de la bourgeoisie parisienne (de gauche comme de droite, artiste ou des affaires) et, assez bizarrement, semble beaucoup moins daté que celui des Frustrés de Bretecher dont il était, soi-disant, le pendant de droite.

"La course du rat", "Souvenirs d'un jeune homme", "Les Sextraordinaires aventures de Zizi et Peter Panpan" et évidemment "Tranches de vie" resteront des petits chefs d'oeuvre d'humour méchant, aux dialogues ciselés. Son dessin et ses couleurs criardes, ainsi que ses filles souvent nues, contribuaient beaucoup à son succès. A part peut-être Riad Satouf, je ne vois pas qui en est l'héritier aujourd'hui.

dimanche 30 novembre 2008

Le Tampographe 2

J'ai déjà parlé du blog de Sardon, tampographe râleur de génie.
Comme Noël approche, et que je ne suis pas chien, je vous remets le lien, pour qu'enfin vous puissiez vous commander des cadeaux classieux.
Moi, j'ai commandé l'affiche sérigraphiée avec Ubu dessus (entre autres). Merdre !

vendredi 21 novembre 2008

Les Ethiopiques

Addis fait parfois penser à un gros village, ou disons un amalgame de gros villages, avec sa quiétude, ses moutons ou ses chevaux qui trainent dans les rues, et ses cris de hyènes, m'a-t-on dit, que l'on entend le soir dans les collines.

Bien sûr, Addis-Abeba est aussi la capitale d'un pays multi-séculaire, jamais colonisé, siège de l'Union africaine, et terre de religions, en particulier d'une église orthodoxe étonnante avec églises imposantes et prêtres over-lookés.

On boit du café, à Addis, on broute du khat, on écoute de la musique pop à nulle autre pareille et parfois - c'est l'hiver - on peut même avoir froid.

Rien ne ressemble à ailleurs, à Addis : ni les gens, ni les monuments, ni la musique, ni la langue, ni l'écriture, ni l'histoire. C'est l'Ethiopie, et le simple fait d'écrire ce nom mythique fait un peu voyager.

Arnaud Dormeuil

Il ne devait pas bien se rappeler mon nom, lui qui, depuis 20 ans, chaque fois qu'on se croisait, m'adressait un tonitruant "Oté Margouillat !". Il faut dire qu'Arnaud Dormeuil devait connaître à peu près la moitié de la Réunion - et personne dans l'île n'ignorait qui il était : l'acteur absolu et fêtiche de Vollard, le musicien et chanteur de Tropicadéro, le "grand petit homme" joyeux et moucateur, la dernière figure vraiment populaire de l'île de la Réunion.
Arnaud Dormeuil est mort à Paris, à l'âge de 44 ans après une dernière représentation, samedi dernier.
Oté mon kaf, nou va pas oubly aou jamais.

mardi 11 novembre 2008

Chez la reine de Saba

Vendredi, je me rends à Addis-Abeba, en Abyssinie, et j'y reste une semaine.
Ménélik, Hailé Sélassié et Mahmoud Ahmed n'ont qu'à bien se tenir.

dimanche 9 novembre 2008

Em construção


Au dessus, ce sont des essais de couv' pour 2C2 (coming soon), en dessous, c'est le rock, qui est un sport collectif, donc "Johnny Thunders", première case - j'ai été viré de Johnny Thunders par Grand Pingouin, et je dois admettre qu'il se débrouille comme un chef sans moi, c'est très décevant - et des idées pour MotörheadS, another perfect book (dessins de Brrr).

samedi 8 novembre 2008

Cover


Artwork by The Crainte

Guerre au Congo

Ce qui se passe au Congo a, ces derniers jours, vaguement intéressé les médias français (avant que l'élection d'Obama n'éclipse ce sujet pas très sexy).

Pour rappel : dans l'Est du pays, les affrontement ont regagné d'intensité entre un mouvement rebelle, le CNDP de Laurent Nkunda, et les forces armées congolaises du président Kabila. Depuis le génocide rwandais de 94 et la disparition de Mobutu, le Kivu est en proie à une guerre terrible (on parle de 5 millions de morts directs ou indirects !) qui voit s'opposer des groupes aux intérêts différents : différentes forces para-militaires, rebelles ou légalistes, comme le CNDP donc, ou les Mai Mai (milices traditionnelles), et selon les cironstances les forces armées nationales du Congo, du Rwanda, de l'Ouganda (mais aussi, lors de la première guerre du Congo, du Zimbabwé, de l'Angola, de la Zambie, etc).

Les origines du conflit sont multiples et pas toujours faciles à déméler : on y retrouve le génocide rwandais avec l'affrontement entre anciens génocideurs hutus réfugiés au Zaïre, et minorités tutsies rwandophones, les intérêts géo-stratégiques de différents pays de la sous-région, et surtout l'immense appétit de tout le monde (y compris -surtout ? - les occidentaux) pour le sous-sol immensément riche de l'Est du RDC.

Pour l'heure, le mouvement de Laurent Nkunda qui défend officiellement la minorité tutsie, semble appuyé par les troupes du Rwanda (qui s'en défend) et affronte, autour de Goma, les FARDC, appuyées, d'après des rumeurs insistantes, par les troupes angolaises.

Comme toujours, les populations civiles vivent un véritable calvaire et les premiers échos de massacres de civils nous parviennent.

Que fait la communauté internationale ? Elle s'agite un peu mais sans efficacité notable, malgré la présence sur le terrain de 17 000 casques bleus dont l'action - ou plutôt l'inaction - est pour le moins scandaleuse.

La hiérarchie de l'émotion en Europe - singulièrement en France - ne manque jamais de m'étonner : que l'on compare, par exemple, la couverture médiatique de l'intifada (5 000 morts) et les chiffres des morts du Congo (5 millions de morts). L'opinion publique française s'émeut donc mille fois moins pour les morts congolais que pour les morts palestiniens.

Le blog de Colette Braeclman, journaliste belge parfois contreversée, est l'une des rares sources d'information continue sur l'Afrique des Grands Lacs.

mardi 4 novembre 2008

Equador


Equador, premier roman de Miguel Sousa Tavares, star du journalisme portugais, a été, lors de sa sortie en 2005, un véritable best-seller au Portugal (en France, il est publié au Seuil).
Mon voyage à São Tomé e Principe était une excellente occasion de le lire, puisqu'il s'agit d'un récit qui se passe dans ces deux îles, au début du siècle dernier.

En quelques mots, Tavares raconte le destin étonnant d'un dandy de Lisbonne qui se trouve propulsé à São Tomé comme gouverneur et dont la mission est de mettre fin au travail forcé dans les roças, afin que l'Angleterre ne boycotte pas le cacao produit par les deux îles.

Equador aurait pu être un chef d'oeuvre s'il ne tombait pas dans une série de clichés grossiers qui n'ne finissent pas : cliché du roman sentimental digne de Barbara Cartland (le beau et riche portugais, la belle anglaise) pimenté pour faire moderne d'un peu de sexe, cliché du roman exotique (tout y passe, colons arrogants, gouverneurs avisés, climat équatorial, nature qui dérègle les sens etc), mais malheureusement même pas capable d'évoquer correctement la nature du pays, cliché du roman colonial (nègres victimes mais stupides et sans existence, serviteurs dévoués, escapade dans les indes des marahadjas), et j'en passe. Les dialogues sont poussifs et l'écriture assez agaçante (l'auteur, qui vient sans doute de découvrir le mot dans le dictionnaire, use et abuse du mot "pygmalion" par exemple), et seule l'analyse de la situation politique des colonies est à peu près intéressante et bien rendue.

Alors, bouse infâme ? Non, pas vraiment non plus, parce que le sujet est passionant, et le cadre tout à fait original. Mais ce qui énerve le plus, c'est sans doute l'incapacité de l'auteur de penser la réalité são-tomienne, et notamment la réalité créole, celle des hommes des sanzaras. Merde, Tavares situe son action à São Tomé et ne donne jamais la parole aux noirs des plantations (tous relégués au second plan, dans un rôle de victimes abruties), ni aux créoles et aux métis, ni même aux blancs du cru. Pas un mot sur la culture étonnante faite de résistances inventives, pas un mot sur les danses Kongo, sur le Tchiloli, incapacité de parler de la réalité physique du pays.

Le paradoxe de "Equador", c'est que ce roman, qui prétend dénoncer le colonialisme portugais (l'un des pires), reste désespérement ethno-centré et ne fait que (re)proposer une lecture racialiste voire raciste du monde colonial.

Il n'y a bien que la fin qui soit potable : le héros se suicide après avoir découvert sa bien aimée se faire culbuter par un noir (oui, comme ça, vous n'avez pas besoin de le lire).

São Tomé, en principe


Une grande forêt posée sur l'Equateur.

La petite capitale, São Tomé, s'étale modestement le long d'une baie, protégée par un fort portugais multi-séculaire.

Tout semble tourner au ralenti dans cette ville, avec de grandes places et de vastes avenues vides, bordées de vieilles maisons coloniales globalement dans un état de délabrement avancé. C'est d'une beauté et d'une nostalgie rares.
Quant à la route du nord, elle traverse le massif montagneux, évite des plages magnifiques (et désertes), croise des roças autrefois imposantes (comme celle de Rio d'Ouro, désormais rebaptisé Agostinho Neto, avec son incroyable hôpital) et se perd quelque part après Neves que je ne dépasserai pas.

Au sud, me dit le patron de la pension où je loge (un ancien danseur de salon qui s'est installé, avec sa cavalière, depuis 20 ans dans l'île), vous verrez, c'est vert.


De fait, la forêt équatoriale bouffe tout sur São Tomé. On l'appelle l'Obo, et elle couvre les trois-quarts du territoire. Elle est dense, humide, et un peu terrifiante. On comprend que les esclaves puis les travailleurs forcés n'envisageaient pas d'y marroner : l'Obo doit vous digérer lentement, ne vous donnant aucune chance d'échapper à une déliquescence absolue.

Partout, le long de la route qui traverse la jungle du sud, une végétation imposante, et des petits villages isolés de pêcheurs (avec poules, vaches, cochons, et aussi bananes, cacao, jacques, fruits à pain : on ne mourra jamais de faim sur cette île.

A São João Dos Angolares, on dort dans une des rares roças réhabilitées. Elle appartient à une star locale, cuisinier à la télévision portugaise, peintre et organisateur d'une biennale d'art contemporain sur l'Equateur.

Après ce dernier village misérable, la pluie tombe de façon ininterrompue, la route se métamorphose en torrent, puis en allée de jardin, puis, étonnament, en nationale bien entretenue, enfin en vague sentier submergé par les rivières en crue.

A Ponta Baleia, une petite embarquation nous prend pour une courte traversée sur une mer agitée vers Ilhéu Das Rolas, que la ligne de l'Equateur coupe, et qui justifie l'ancienne appelation portugaise de S. Tomé e Principe : les îles du milieu du Monde.

Aujourd'hui, ce sont les îles du bout du monde, nulle part, au plus loin de tout. Alors que la masse continuellement sombre de São Tomé est à une vingtaine de minute en canot, Ilhéu Das Rolas se présente comme un petit paradis exotique, avec des plages et des petites baies à l'eau turquoise. Le spectacle folklorique pour les touristes (une demi-douzaine de personnes tout au plus) vire à la transe Kongo : pour le Tchiloli, il aurait fallu attendre une semaine de plus.

Je passe les pannes, l'attente sous le soleil et dans une humidité hallucinante, on remonte vers le Nord, et cette fois il fait beau (on est, dès lors, dans une étuve). Retour à la capitale, visite du fort portugais, avec ses photos de tortures des coloniaux, et son autel d'un culte dont je comprends mal le nom (Zambie ?). Et toujours ces maisons coloniales.


Le temps s'est arrété à São Tomé : tout y est infiniment beau et triste. Il parait qu'on va y découvrir du pétrole, et que l'archipel rejoindra les modèles de développement que sont le Nigéria et l'Angola. L'âme créole (la bière s'appelle Créola) y perdra sûrement, mais les routes seront refaites. Et les avions Constellation revoleront sans doute.