Une grande forêt posée sur l'Equateur.
La petite capitale, São Tomé, s'étale modestement le long d'une baie, protégée par un fort portugais multi-séculaire.
Tout semble tourner au ralenti dans cette ville, avec de grandes places et de vastes avenues vides, bordées de vieilles maisons coloniales globalement dans un état de délabrement avancé. C'est d'une beauté et d'une nostalgie rares.
Quant à la route du nord, elle traverse le massif montagneux, évite des plages magnifiques (et désertes), croise des roças autrefois imposantes (comme celle de Rio d'Ouro, désormais rebaptisé Agostinho Neto, avec son incroyable hôpital) et se perd quelque part après Neves que je ne dépasserai pas.
Au sud, me dit le patron de la pension où je loge (un ancien danseur de salon qui s'est installé, avec sa cavalière, depuis 20 ans dans l'île), vous verrez, c'est vert.
De fait, la forêt équatoriale bouffe tout sur São Tomé. On l'appelle l'Obo, et elle couvre les trois-quarts du territoire. Elle est dense, humide, et un peu terrifiante. On comprend que les esclaves puis les travailleurs forcés n'envisageaient pas d'y marroner : l'Obo doit vous digérer lentement, ne vous donnant aucune chance d'échapper à une déliquescence absolue.
Partout, le long de la route qui traverse la jungle du sud, une végétation imposante, et des petits villages isolés de pêcheurs (avec poules, vaches, cochons, et aussi bananes, cacao, jacques, fruits à pain : on ne mourra jamais de faim sur cette île.
A São João Dos Angolares, on dort dans une des rares roças réhabilitées. Elle appartient à une star locale, cuisinier à la télévision portugaise, peintre et organisateur d'une biennale d'art contemporain sur l'Equateur.
Après ce dernier village misérable, la pluie tombe de façon ininterrompue, la route se métamorphose en torrent, puis en allée de jardin, puis, étonnament, en nationale bien entretenue, enfin en vague sentier submergé par les rivières en crue.
A Ponta Baleia, une petite embarquation nous prend pour une courte traversée sur une mer agitée vers Ilhéu Das Rolas, que la ligne de l'Equateur coupe, et qui justifie l'ancienne appelation portugaise de S. Tomé e Principe : les îles du milieu du Monde.
Aujourd'hui, ce sont les îles du bout du monde, nulle part, au plus loin de tout. Alors que la masse continuellement sombre de São Tomé est à une vingtaine de minute en canot, Ilhéu Das Rolas se présente comme un petit paradis exotique, avec des plages et des petites baies à l'eau turquoise. Le spectacle folklorique pour les touristes (une demi-douzaine de personnes tout au plus) vire à la transe Kongo : pour le Tchiloli, il aurait fallu attendre une semaine de plus.
Je passe les pannes, l'attente sous le soleil et dans une humidité hallucinante, on remonte vers le Nord, et cette fois il fait beau (on est, dès lors, dans une étuve). Retour à la capitale, visite du fort portugais, avec ses photos de tortures des coloniaux, et son autel d'un culte dont je comprends mal le nom (Zambie ?). Et toujours ces maisons coloniales.
Le temps s'est arrété à São Tomé : tout y est infiniment beau et triste. Il parait qu'on va y découvrir du pétrole, et que l'archipel rejoindra les modèles de développement que sont le Nigéria et l'Angola. L'âme créole (la bière s'appelle Créola) y perdra sûrement, mais les routes seront refaites. Et les avions Constellation revoleront sans doute.
1 commentaire:
Magnifique périple, humide et sauvage.
PS/ Qui est la personne que l'on aperçoit à l'avant du bateau. Tu as des photos plus précises?
Enregistrer un commentaire